Quand je tombe enceinte la deuxième fois, nous habitons au Québec (Canada) depuis plus d’1 an. Je suis remplie de bien plus de connaissance et de foi en mon corps de femme. J’ai aimé la naissance de ma fille mais pour moi, si tout se passe bien, il est hors de question que je remette les pieds à l’hôpital pour donner de nouveau naissance. Comme quoi, les connaissances n’empêchent pas la naïveté.
À l’époque nous avons la chance d’habiter dans le secteur d’une maison de naissance et encore mieux de faire parti de son secteur «naissance à domicile». Je téléphone le lendemain du test positif pour être sûre d’avoir ma place. Je veux accoucher dans la douceur de mon foyer. Je ne veux pas quitter les miens même pour 48h. 3 jours plus tard on me confirme mon inscription à la maison de naissance. Une réunion est prévue pour mi-août.
Le jour de la réunion, je commence à avoir de forte douleur dans le ventre. Mais je profite quand même. Nous voulons que notre enfant naisse chez nous mais la maison de naissance est super quand même. C’est un cocon. La réunion terminée, l’inquiétude reviens. Je pense à la fausse couche mais surtout je pense à la grossesse extra-utérine. J’aimerais être rassurée mais un petit tour de 6h dans la salle d’attente des urgences sans avoir vu même l’ombre d’un médecin me décide à lâcher prise.
Quelques jours plus tard, nous partons rejoindre mes parents et des amis en Guadeloupe. Mais arrivée sur place, je n’arrive pas à profiter. La douleur est toujours là. S’il y a quelque chose je veux le savoir. Nous nous rendons donc aux urgences d’une petite clinique. Je suis prise en charge presque tout de suite et on me confie au soin de la gynécologue de garde qui va me faire une échographie. La cause de mes douleurs est simple. Mes ligaments en prennent déjà pour leur grade parce que je n’ai pas un mais deux petits locataires dans mon utérus! Un véritable choc! Je pleure. De joie et de soulagement parce que tout va bien. Mais aussi d’angoisse et de stupeur. De penser à tout ce à quoi je vais devoir renoncer… La gynéco m’explique que ce sont des grossesses plus compliquées mais aussi plus à risque. Elle me dit que j’attends ce que j’appellerai plus tard couramment des « mono-bi ». Mes crevettes se partagent le même placenta mais sont dans deux poches séparées par une fine membrane.
Sur la route du retour de la clinique on réfléchi à comment on pourrait faire. L’idée que je poursuive ma grossesse en France est déjà vaguement évoquée mais ça parait un peu fou pour le moment. Je sais déjà qu’il va falloir que je renonce à mon accouchement à domicile, voir même mon accouchement à la maison de naissance. Au suivi simple par une sage femme aussi… C’est tout un deuil que je dois faire et un regret que je garde encore aujourd’hui.
Au fil des vacances, cette seule solution se dessine de rentrer au bercail pour accoucher. Un peu comme les saumons ou les tortues je ne sais plus très bien. Ça doit finalement être une tradition familiale de naître dans cette maternité qui a vu naître ma première fille ainsi que moi-même. Retour de vacances. La décision est prise. Je suis partagée. Contente à l’idée de revoir mes amis, ma famille. Tellement triste de me séparer de l’homme et de séparer ma princesse de son papa. De vivre cette grossesse seule, tellement à l’opposé de ce que j’avais imaginé.
Retour en France le 16 octobre. L’avion avec mon presque déjà gros bidon et ma poussinette c’est sport. En France, nouvelle écho. Tout va bien. Mais la gynéco n’est pas spécialiste donc elle me réfère à une de ses collègues, appelons là Dr A, qui me suivra jusqu’au bout.
Une écho tous les 15 jours à cause du caractère « mono-bi » de cette grossesse. On s’entend qu’on est bien loin du suivi à la cool que j’aurais voulu. Mais bon adaptabilité, lâcher-prise sont les maîtres mots.
La grossesse se passe sans problème médicalement parlant. De «petits maux» de grossesse comme on dit. Surtout de grosses douleurs ligamentaires. Les mêmes que celles qui m’ont poussé à consulter. Mais de plus en plus douloureuses au fur et à mesure que mon utérus grossi.
Je suis contente de voir arriver l’homme pour les 36sa. Le 6 mars. Il ne repartira plus avant la naissance. En fait il ne repartira plus sans nous cette fois. Le même jour, dernier RDV avec ma gynéco. Mon col a bien évolué, elle part en vacances 1 semaine et pense que je ne l’attendrai pas pour accoucher. Rater. Je l’ai attendu en fait. Bien involontairement cela dit.
La fin est cauchemardesque. Je ne peux plus marcher, ni être assise, ni couchée… Je ne dors plus. Pas peu, non, juste plus du tout… Je suis une loque. Je n’aime pas avoir l’air d’exagérer parce que ce n’est pas le cas. À ce stade je serais allée les déloger moi-même au forceps si j’avais pu (ok là j’exagère !)
A 38+6, on me reprogramme un rdv pour voir l’avancement. Si le col est favorable on déclenche. Grossesse mono-bi encore une fois, les gynécos n’aiment pas trop laisser traîner. Peut être que si je n’avais pas supplié qu’on me déclenche on aurait pu attendre encore un peu… Oui, j’ai supplier car vraiment j’avais atteint, je pense, mon maximum… Finis les rêves de naturel. Je veux que ça s’arrête.
Au rdv “col bien favorable” donc on peut déclencher. L’homme est là, ma fille avec ma mère. 8h c’est parti avec les perfs d’ocytocine de synthèse. Les contractions ne tardent pas à arriver et elles piquent tout de suite un peu plus. La sage-femme est un ange de douceur. Le protocole veut que je sois sanglée au monito mais elle me permet 3 temps pendant le travail, libérée de toutes entraves et que je passe sur le ballon. Ces moments me font un bien fou. Je gère vraiment mieux comme ça.
Dans l’après-midi (les heures sont flous mais vers 14h je pense), la sage-femme perce la poche des eaux ce qui fait parti du protocole de déclenchement. Une vraie piscine olympique là-dedans! À partir de là, ouch… Les contractions sont très difficiles à encaisser couchée sur le dos. On me met sur le côté un moment, je m’y sens un peu mieux mais l’homme doit tenir les capteurs du monito… Au bout d’un moment je demande la péri. Je n’en peux juste plus et de toutes façons avec des jumeaux on me fera le forcing pour la mettre. Je pense qu’elle est posée vers 16h ou 16h30 je ne sais plus exactement. Dans la douceur cette fois et dosée juste comme il faut. Je peux bouger mais la sensation douloureuse est partie. Vers 17h30, 18h environ elle revient en force. Je sais que c’est parce que la fin approche. Je reconnais l’engagement dans le bassin. Les mêmes douleurs que pour ma fille. La sage-femme vérifie et oui le premier commence à s’engager. Très vite ça me donne envie de pousser. Ma sage femme pense que c’est un peu tôt et en fait en vérifiant elle me donne raison mais je vais devoir attendre un peu, la pédiatre est occupée à côté et elle doit être dispo pour l’expulsion des jumeaux.
Enfin la gynéco entre et c’est parti. C’est très «intimiste» et c’est génial. Juste la sage-femme, la gynéco et une auxiliaire de puériculture. Le «renfort» est dehors. J’aime vraiment cette maternité. Je retrouve exactement la même sérénité que pour la naissance de ma fille. Sacha est là très rapidement. 2 ou 3 poussées je crois. Il est tout dodu, plein de vernix encore. Je suis choquée de la rapidité de sortie. Je voulais me mettre sur le côté mais je n’en ai même pas eu le temps. Après contrôle échographique la gynéco se rend compte que Côme (qui était en siège) s’est mis en transverse. Parait que c’est classique. Le deuxième bébé, tout stupéfait d’avoir tant de place dans le bidon de maman, en profite pour expérimenter quelques figures. Et c’est là que la gynécologue a utilisé une manœuvre appelé « grande extraction ». J’ai eu un peu la sensation d’être à l’étable un court instant. Dr A est donc parti chercher le pied de bb2 pour le tirer et le sortir avec l’aide d’une poussée de ma part. Ça parait barbare? Ça l’est et en général les bébés n’aiment pas ça… Surprenant non? Bb2 est né avec un APGAR à 3. Pour les néophytes ça veut dire qu’il ne respirait pas et ne bougeait quasi pas. Ils l’ont bien sur emmené de suite et là c’est les minutes les plus longues de notre vie. Mais en fait c’est un chef ce gamin car un petit coup de ventilation au masque et c’était reparti.
Voilà. Naissance le 26 mars 2014 à 19h01 et 19h04. Deux bébés en pleine forme. Deux futurs tétouilleurs professionnels.
Photographie privée, svp ne pas reproduire
Je suis sur mon petit nuage. Au sens figuré comme au sens propre. Je me sens m’enfoncer comme dans du coton. En fait je suis en train de faire une hémorragie du post-partum. La gynécologue gère ça très bien mais je me suis fait peur quand même. La sage-femme est honnête. Après une journée de contraction artificiellement dirigée par l’ocytocine de synthèse, mon utérus a fait la grève et ne se contractait plus du tout. La faute au déclenchement donc.
Si je devais faire le bilan de ces deux naissances (voir “ma sage-femme, cette fée qui m’a tout appris”) je dirais qu’elles ne respectaient surement pas toujours la physiologie mais en tout temps, on a respecté mes demandes. On ne m’a forcée à rien. Et je remercie vraiment cette maternité d’avoir fait de l’arrivée sur terre de mes enfants des moments de calme et de douceur. Mais j’aurais peut-être fait des choix différents si on m’avait réellement expliquée les tenants et les aboutissants de mes choix et si on m’avait proposé des alternatives pour palier. Et je pense réellement que –en toute objectivité- la place d’une doula dans le parcours de la grossesse et de l’accouchement est vraiment très importante. Parce que même si on possède les connaissances, même si on nous propose des moyens naturels pour palier, les hormones, la fatigue, la douleur nous font parfois oublié ce qu’on veut vraiment. Une doula peut veiller à tout ça. Elles ont tout à fait leur place et la mérite.
Laure Bizard alias Maman Ours de Côme, Sacha et Nora
* Notez qu’il n’y a pas de lien direct entre l’image d’Amalgame Photographie et le récit d’accouchement.
Merci à mon amie Laure pour ce merveilleux récit! Tu es la bienvenue pour écrire à nouveau via le blog et partager avec nous sur l’allaitement, le maternage, l’éducation Montessori et tout le reste!