
Allaiter un bébé prématuré : à quoi s’attendre?
Allaiter un bébé prématuré, c’est possible ! Cependant, le chemin vers la réussite ne sera pas facile. Persévérance, détermination et patience seront de mise. Plusieurs obstacles se dresseront entre votre désir d’allaiter et la faisabilité du geste. Je vais vous dire d’emblée que cette histoire est la mienne et que mon cheminement est personnel. Cependant, de nombreuses mamans de bébés prématurés se reconnaîtront dans mon parcours.
Il y a trois ans, j’ai donné naissance à mon premier fils. J’en étais à 33 semaines de grossesse…. C’est en affrontant les difficultés une à une que nous (lui et moi) avons réussi un allaitement d’un an ! Voici notre histoire. Voici à quoi on peut s’attendre quand on décide d’allaiter un bébé prématuré.
Avec le tire-lait, une relation amour-haine tu entretiendras
Commençons par le début. Toute histoire d’allaitement commence évidemment par la naissance de votre enfant. Dans le cas d’un bébé prématuré, oublions tout de suite le beau moment de peau à peau et le nouveau-né qui cherche instinctivement le sein de sa mère. Les premiers pas en allaitement se feront avec un tire-lait !
Effectivement, les petits bébés prématurés n’ont pas encore le réflexe de succion bien développé ni l’énergie nécessaire pour téter au sein. Il faudra donc tirer du lait pour qu’il lui soit donné par gavage.
C’est ainsi que 72h après mon accouchement cauchemardesque, une infirmière bête comme ses pieds a roulé un tire lait dans ma chambre d’hôpital. Je ne parle pas de ces petits appareils que l’on peut se procurer dans les magasins grandes surfaces pour bébés. Non. Je parle d’une machine ! Avec des boutons de réglage pour la vitesse ainsi que pour la puissance de succion. Avec un piston qui va et vient dans un bruit de grand vent ! CHH CHH CHH CHH ! Bref, cet engin faisait son apparition devant mon visage interrogatif. Avec une explication hâtive, l’infirmière nous a remis un kit bien emballé avec des tubulures et plusieurs pièces détachées à assembler, puis elle est partie nous laissant seuls avec la machine.
Mon conjoint et moi, perplexes, avons fini par assembler les pièces du casse-tête. J’étais donc là, assise sur le bord du lit, la plaie de césarienne brûlante, avec des cônes sur les seins reliés à une impressionnante machine. Ce n’est pas vraiment l’idée que l’on se fait d’un allaitement. Je n’aurais jamais imaginé non plus me montrer ainsi devant mon conjoint… On est bien loin de Mahée Paiement qui clame que ‘’l’allaitement, c’est glamour ! ‘’
Notre fils de 3 livres avait besoin de lait et celui de sa maman était le meilleur que l’on puisse lui offrir. À la guerre comme à la guerre, nous activons la machine. Personne ne nous a expliqué ce qui est supposé se passer quand on commence à tirer du lait. Nous nous attendions à quelques gouttes. Rien ne se passait. Mon conjoint a donc tourné les roulettes au maximum ! Et moi, j’étais là, à endurer la douleur. Avec une telle succion, mon utérus cicatrisé se contractait fortement et le bout de mes seins étaient pratiquement mauves ! Mais, il fallait que ça sorte ! Rien ne se passait.
Alors, nous avons recommencé l’exercice aux heures. Quelques ridicules gouttes sont finalement sorties après un certain temps. L’infirmière de l’unité néonatale nous avait dit qu’il fallait lui apporter tout ce que l’on réussissait à obtenir. Mon conjoint s’est donc précipité au chevet de notre fils avec les quelques millilitres du précieux liquide ! J’avais si mal, mais nous étions fières ! Enfin du lait ! Arrivé à l’unité néonatale, mon conjoint tend le tube à l’infirmière avec espoir que notre bébé puisse recevoir les quelques gouttes. Elle regarde le tube et lui dit que c’est un début, mais que ce n’est pas suffisant pour être recueilli. Puis, elle jette alors le contenant dans la poubelle sous le regard figé de mon conjoint. Elle aurait jeté un lingot d’or à la poubelle qu’il n’aurait pas été plus ébahit…
Et c’est ainsi que commence ma longue relation avec le tire-lait. Ennemis au début, on l’apprivoise peu à peu et on se motive du mieux qu’on peut. On se remémore que c’est ce qu’il y a de meilleur pour notre enfant. Le lait maternel est particulièrement important pour les prématurés chez qui les intestins ne sont pas encore matures et prêts à se nourrir. Et c’est ce que l’on se répète à chaque rendez-vous galant avec ce foutu tire-lait…
Tous les jours, aux 3 heures, pendant de longues semaines…
La première tétée, courte elle sera
Viendra ensuite le moment tant attendu de la première mise au sein. Dans mon cas, mon fils avait 2 semaines. Il aurait été rendu à 35 semaines de gestation si tout c’était bien déroulé. Cette première tétée n’a rien d’intime car l’aide d’une infirmière est nécessaire pour s’installer et pour superviser. Bébé est relié à plusieurs fils et capteurs alors nous ne sommes pas libres dans nos mouvements. On m’installe donc bébé dans les bras, les seins à la vue de tous.
Malgré tout, j’étais émue et j’essayais de nous créer une petite bulle d’amour bien à nous. J’essayais d’ignorer le bruit des machines, les incubateurs autour, les autres parents au chevet de leur enfant et tous les employés qui s’affairaient dans la pièce. Mes yeux étaient rivés sur ce petit homme. Il s’est bien accroché au sein et il a immédiatement tété sans trop de difficulté. Et c’est parti ! Un gros deux minutes… c’est là que l’on comprend que ces petits êtres s’épuisent très rapidement.
Une tétée au sein représente un effort colossal et s’ensuivra un gros dodo. Les prochains boires devront être donnés par gavage pour que le bébé récupère de cet effort suprême. Le deuxième sein ? On l’oublie. Bonjour Tire-lait ! Encore moi ! La mise au sein se fera donc graduellement et lentement. Il y aura des hauts et des bas. Il y aura des journées ou bébé sera trop épuisé pour une mise au sein et il y aura d’autres jours ou tout semblera progresser.
Les biberons, tu ne pourras pas éviter
A moins d’être 24 heures sur 24 au chevet de son enfant, il sera difficile (même impossible !) de donner tous les boires au sein. Le bébé est hospitalisé mais pas la maman. Bien souvent, il n’y a donc pas de chambre pour elle ou celle offerte sera partagée avec plusieurs autres parents. Pour se reposer et reprendre des forces, il faudra aller à la maison. Se laver, manger et garder un bon moral sont aussi importants pour surmonter l’épreuve de la prématurité. Quand maman n’est pas à l’hôpital, le bébé recevra donc un biberon ou un gavage.
Une autre situation dans laquelle le biberon sera un incontournable est dans le cas des bébés de faible poids. Le lait maternel au naturel contient 20 calories. Les médecins voudront aider le bébé de faible poids à grossir plus rapidement. Une poudre sera alors ajoutée au lait maternel afin de le rendre plus calorifique. Grace à cela, le bébé pourra recevoir du lait contenant 22, 24 ou même 26 calories ! Cette procédure requière donc que le lait soit tiré et non offert directement au sein.
D’autre part, les biberons offerts aux bébés prématurés sont à débit rapide. L’idée derrière cela est de ne pas les épuiser en tétant. Pas fou ces petits enfants ! Pourquoi s’épuiser à boire au sein alors qu’au biberon ça coule sans effort ? Bref, il faudra si faire.
La confusion sein-biberon pourrait s’ajouter au lot d’obstacles à surmonter.
Une baisse de production, tu subiras
Bon, ça n’arrive pas à tout le monde, évidemment. Mais cette situation est fréquente chez les mamans allaitantes de bébés nés avant terme. Cette baisse de production est très facile à expliquer. Le stress, le manque de sommeil, les inquiétudes, une vie sociale inexistante, les allers-retours quotidiens à l’hôpital… ce sont là des facteurs qui n’aident en rien une production lactée.
On va aussi se le dire, un tire-lait, ce n’est pas un bébé ! La motivation n’est pas la même. La relation et le contact physique de la mère avec son enfant sont inexistants. De plus, la machine ne va jamais chercher une quantité aussi importante qu’un bébé le ferait. Ainsi, la baisse de production lactée pointe son nez alors que l’appétit du bébé, lui, va en augmentant.
La meilleure chose à faire est de consulter une conseillère en lactation afin d’établir un plan d’action. Des stimulations plus fréquentes (à un moment, j’étais aux heures), regarder la photo de son enfant en tirant du lait, sentir un morceau de vêtement porté par bébé, faire des points de pression à certains endroits dans le dos, prendre des produits naturels comme du fenugrec et du chardon béni… et si ces trucs ne donnent pas de résultats satisfaisants, viendra la prescription de Dompéridone.
Ce médicament, à la base, sert à traiter des problèmes intestinaux, mais il a pour effet secondaire d’augmenter la production de lait. J’ai donc avalé ces deux petites pilules blanches trois fois par jour. Mon corps a très bien réagi et ma production a explosé ! C’est seulement à ce moment-là que j’ai réalisé à quel point ma production était minime depuis le début. Dans mon cas, la Dompéridone a sauvé mon allaitement. Mais puisqu’il s’agit d’un médicament sous ordonnance, il fait toujours en discuter d’abord avec un médecin pour s’assurer que cette solution est adaptée à votre situation.
Le retour à la maison, la salvation ce sera
Après six longues semaines passées à l’hôpital, mon petit amour a ENFIN reçu son congé. À ce moment-là, mon fils recevait uniquement du lait maternel mais en alternance entre le sein et le biberon. L’intimité, l’autonomie et le confort vont de pair avec le retour à la maison. Les fils des machines ne nous gênent plus. Le silence et le calme peuvent enfin envelopper la mère et son enfant lors des mises au sein.
Encore une fois, il faudra être patiente. Tout ne sera pas rose parce qu’on arrive à la maison. Mais on pourra y aller à notre rythme. Je mettais mon bébé au sein le plus possible et quand ça n’allait pas très bien, je lui offrais un biberon de lait tiré. Ce n’est qu’au bout de plusieurs semaines qu’un bel allaitement ‘’normal’’ et confiant a pris place. La pression est enfin levée.
Pour certaines, le retour à la maison ne sera pas suffisant pour poursuivre l’allaitement. Et c’est correct ! La salvation, pour elles, viendra du fait de se donner le droit d’arrêter sans crainte d’être jugée par le corps médical des unités néonatales. Quoi qu’il en soit et quelle que soit l’issus, à la maison, nous redevenons maîtres de nos décisions et de notre parentalité.
Tes limites, tu fixeras
Pour conclure, j’ai envie de vous dire que l’allaitement d’un prématuré est un parcours ardu et que c’est à vous de fixer nos limites. Ce sera assez quand vous aurez décidé que c’est assez !
Pour moi, offrir mon lait à mon bébé était la seule chose qui me faisait sentir ‘’maman’’. J’avais l’impression que c’était la seule chose sur laquelle j’avais de l’emprise pour l’aider. Les infirmières s’occupaient de lui et lui prodiguaient des soins, mais MOI, j’étais la seule à pouvoir le nourrir ! Chacun verra l’allaitement à sa manière.
Avec un enfant prématuré, il y aura plusieurs batailles à livrer et c’est à vous de choisir lesquelles ont de l’importance et pour lesquelles vous avez suffisamment d’énergie. Votre santé mentale, votre énergie et votre bonheur comptent également. J’ai vu plusieurs mamans cesser l’allaitement pour toutes sortes de raisons et elles sont toutes valables. Peu importe ce que vous choisissez, assumez vos choix et surtout, acceptez-les. Les excuses, les remords et la culpabilité n’avancent à rien. Nous savons toutes que c’est l’amour pour votre enfant qui vous guide. Et c’est ça l’essentiel d’être maman…
Catherine de Montigny
Pour en savoir plus sur les bienfaits de l’allaitement pour un bébé prématuré,
je vous invite à lire cet autre article : Lait maternel, précieux or blanc pour les prématurés.
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4 réflexions sur « Allaiter un bébé prématuré : à quoi s’attendre? »
Bravo maman! ? J’ai fréquenté ce chemin cet été. J’ai accouché à 25 semaines et tout le texte j’aurais pu l’avoir écrit. Nous sommes à la maison depuis début Août et j’allaite. Ils sont champions nos cocos et nous aussi a quelque part ?
Je ne peux pas croire qu’ils ont jeté ce que tu avais tiré meme si peu soit-il!! Bebe a été hospitalisé car ses poumons n’allaient pas bien et il leur donnait mon lait au cup et chaque goutte etait bien importante!! Ca m’attriste de lire ca!
Merci, je suis en plein dedans. Mon fils est né à 31 SA, il est bientôt à 36 SA, va bien mais ne sait pas encore téter et c’est ce qui retarde un retour à la maison. Ca me fait du bien de vous lire et ca me donne confiance et envie de persévérer !
Courage dans ces moments difficiles, votrès présence est le “traitement” le plus important pour votre bébé ?