
Naître à 24 semaines de grossesse
Il y a exactement un an, je ne connaissais pas la journée mondiale de la prématurité. Ce que je connaissais jusqu’alors c’était l’anxiété et la peur de te perdre, mon petit bébé. Naître à 24 semaines de grossesse.
17 novembre 2015
Ça fait 35 jours que je suis alitée à l’hôpital et que mon utérus se contracte et saigne sans cesse.
Ça fait 35 jours que je suis à risque de te perdre à n’importe quel moment et qu’on se bat ensemble pour aller plus loin dans la grossesse.
Tantôt on me parle d’un placenta prævia, tantôt on me parle d’un décollement placentaire. On m’a même suggéré l’avortement. Il n’y a rien de très clair et on ne sait pas le sort que nous réserve l’avenir. Mais tous sont unanimes, on ne se rendra pas à terme. J’arrive à 23 semaines de grossesse. Chaque jour, chaque heure et chaque minute est un long et dur combat.
Je me suis réveillée le 12 novembre, pour une énième fois, en hémorragie et en contractions. Mais ce matin-là, c’était plus fort et plus douloureux. Le médecin m’examine et me dit : appelle ton conjoint, tu accoucheras aujourd’hui! À ce moment-là, je n’entendais plus rien. Notre monde venait de s’écrouler. Je savais que si j’accouchais maintenant, je te perdais.
On s’est accroché l’une à l’autre et on a décidé de continuer
Papa et grand-maman se relaient à notre chevet parce que l’angoisse est rendue trop grande pour rester seules. J’ai tellement peur de te perdre! En ce 17 novembre, si j’accouche, tu n’as aucune chance de survivre. J’attends avec anxiété notre transfert vers un centre pouvant accueillir les bébés comme toi, extrêmes prématurés. Chaque minute est rendu un cauchemar et je ne sais pas combien de temps nous pourrons encore l’endurer.
Le lendemain, on m’apprend qu’une place nous attend à l’hôpital général juif de Montréal. Le transfert en ambulance s’est bien passé et mon anxiété a baissé d’un cran. Je suis entre de bonnes mains et je me sens un peu plus en confiance pour pouvoir poursuivre cette aventure. Mais j’ignore alors qu’un nouveau choc m’attend dès notre arrivée à l’hôpital.
Au cours de mon examen médical, le médecin me dit : il n’y a presque plus de liquide amniotique. Ça y est, c’est terminé, il y a peu de chance que tu t’en sortes… Depuis combien de temps tu ne baignes plus dans ton liquide? J’en ai aucune idée, j’ai tellement perdu de sang! Ou était-ce plutôt du liquide amniotique?
23 semaines et 1 jour de grossesse
On me parle de 30 % de chance de survie. Et dans quelles conditions? Tout se bouscule dans ma tête. Papa m’a rejoint rapidement, il est aussi paniqué que moi. On doit faire des choix, là, maintenant : césarienne, interventions ou non, etc. On a attendu de rencontrer l’obstétricienne et le néonatalogiste pour y voir un peu plus clair. Heureusement, Ils nous ont rassurés et nous ont même dit que tu pouvais vivre encore plusieurs semaines sans liquide. Mais il fallait absolument se rendre le plus loin possible. Wow! C’est encore possible? Quelle merveilleuse nouvelle! Ouf! Une chose de moins sur laquelle angoisser…
On est prêt à aller au front, tassez-vous de là! Pis on pourra prendre d’autres décisions plus tard, selon ton état de santé à l’accouchement. Nous n’avons aucune idée de ce qu’est la prématurité, mais pour moi l’important c’est ta survie, pour le reste, on verra plus tard.
Les jours suivants furent plus difficiles
Plus ça va et plus je sens que mes réserves physiques et mentales s’amoindrissent. J’ai reçu des injections de Bétaméthasone pour aider la maturation de tes poumons? J’ai passé ma nuit à recevoir du sulfate de magnésium pour la protection de ton système nerveux. Les contractions, elles, sont de plus en plus fortes et de plus en plus fréquentes. Ton petit cœur commence à avoir des moments de faiblesse.
23 semaines et 6 jours de gestation
23 novembre 2015. Ce fut la journée la plus difficile de notre combat avant ta naissance. Je me sens à bout de force. Sera-t-on capable de poursuivre? Combien de minutes, combien d’heures, combien de jours de plus?
Je finis malgré tout par m’endormir paisiblement cette nuit-là, me donnant un petit regain pour poursuivre cette lutte.
Le calme avant la tempête…
Contractions douloureuses – j’appelle l’infirmière – monitoring – cœur de bébé décélère – on appelle le médecin – échographie – gros hématome derrière le placenta – césarienne dans 30 minutes –
j’appelle mon conjoint …
Ça pousse – je rappelle l’infirmière – sensation de quelque chose qui lâche – on rappelle le médecin – examen vaginal – dilatée à 8 cm
Changement de shift!
L’infirmière qui m’a écoutée pleurer ma vie la veille vient de réapparaître, je m’accroche à elle comme à un petit ange.
Transfert en salle de chirurgie – le médecin tient bébé pour pas qu’il sorte – mon corps s’engourdit – plus capable de bouger – rien ne se passe
Où est le père? Veux-tu qu’on te fasse une césarienne?
Bébé est à moitié sorti, faites ce que vous pensez qui est le mieux …
On l’endort – Où est le père? Ton bébé s’en sortira pas d’une manière ou d’une autre, on va pousser!
Pour qui elle se prend pour me dire que mon bébé s’en sortira pas, mon bébé est vivant, je le sais c’est moi la mère!
Je pousse, c’est une fille, soulagement!
Voilà les souvenirs de mon accouchement… Ma fille Laura est née à 7 h 55, le matin du 24 novembre 2015 à 24 semaines de grossesse. Elle pesait 615 g et elle était bien vivante. J’étais maintenant la maman d’une très grande prématurée et j’allais comprendre pendant les mois qui suivirent ce que cela signifiait.
A partit de là ce fut SON combat qui commença pour vivre et respirer. Je ne pouvais que l’aimer et l’accompagner. Comme tous les très grands prématurés, ses premières secondes, ses premières minutes et ses premières heures furent critiques. On ne savait pas si elle allait vivre ou pas.
Les premiers jours puis les premières semaines
Laura a passé 124 jours au NICU (Neonatology Intensive Care Unity) puis 148 jours à l’hôpital avant de pouvoir rentrer à la maison. Il s’est passé 12 heures avant que je puisse la voir pour la première fois, 24 jours avant qu’elle ouvre les yeux, 26 jours avant que je puisse la prendre dans mes bras, 44 jours avant que je puisse la prendre pour une deuxième fois, 45 jours intubée respirant à l’aide d’un ventilateur avant de respirer par elle-même et 58 jours avant de prendre mon sein pour la première fois.
Aujourd’hui, le 17 novembre 2016
En cette journée mondiale de la prématurité, je suis fière d’avoir mené cette bataille avec toi Laura, ma petite prématurée. Ça fait maintenant 42 jours qu’on t’a enlevé ton oxygène, ça fait maintenant 1 semaine que tu bois presque exclusivement au sein et qu’enfin maman ne tire plus son lait, tu commences à manger solide tout seule, tu rampes maintenant sur le ventre et commence à explorer le salon, tu ris aux éclats aux simagrées de ta sœur et tu fais aller ta main en disant tata. Pour nous, c’est une victoire.
Je connais encore parfois l’anxiété et la peur de te perdre, mais maintenant je sais ce que c’est d’être la maman d’une petite prématurée et j’en suis très fière. Ce n’est pas facile, c’est un dur combat, ça prend de la force et du courage, mais surtout beaucoup d’amour.
À tous les parents qui le vivent en ce moment, ne lâchez pas! Vous êtes courageux et plein de ressources enfouies au plus profond de vous. Et vos petits combattants sont plus forts qu’on le pense.
À toutes les infirmières, à tous les médecins, ainsi qu’à toute l’équipe qui a pris soin de Laura, je vous en serai éternellement reconnaissante. Vous faites de réels petits miracles dans notre vie!
Julie Charbonneau, fière maman de Laura née à 24 semaines de grossesse
L’ensemble des articles du blog peut être reproduit et partagé dans un but non lucratif. Merci de toujours inscrire les noms et prénoms de l’auteur ainsi que la source cocoonbiennaitre.com lorsque vous partagez.
One thought on “Naître à 24 semaines de grossesse”
Je viens d’accoucher à 25 sa de mon fils de 735 g.. Je suis très inquiéte. Ton témoignage me redonne de l’espoir et du courage. Bravo à vous ! Merci