
Parentalité – Quelle est la place du père ?
Le père, cet être qui doit redéfinir sa place au sein d’une famille en pleine évolution. Au 21ème siècle le père est partout : cours prénataux, salle d’accouchement, halte allaitement, activités parent/bébé, rencontre parents/prof, etc.
Je pensais être capable de définir la place du père en un seul texte mais j’ai bien l’impression que la tâche est plus complexe qu’il n’y parait. Ainsi, y se peut bin qu’elle se décompose au grès de plusieurs articles.
Issue d’une famille recomposée avec des frères et sœurs de part et d’autre, j’ai vécu la réalité des conflits de couple, de la répartition des rôles et de la garde partagée. Je sais comme vous que le modèle familial n’a plus rien à voir avec ce qu’il a pu être dans le passé. Aujourd’hui, maman de 2 garçons, en couple depuis bientôt 20 ans (outch ça me rajeunie pas tout ça !), j’avoue qu’on tangue à droite à gauche pour maintenir le cap et rester une famille fonctionnelle. Pris entre les désirs et la réalité de chacun, entre les enjeux de l’éducation qu’on a reçu et celle qu’on voudrait offrir à nos enfants, y a de quoi faire tourner un hamster pendant des heures.
Pour commencer, j’ai voulu retracer un peu l’histoire du père, cet homme si important dans votre vie et dans celle de votre famille, qui porte des années d’histoires sur les épaules.
Il était une fois le père
C’est plate mais ça prend de comprendre les tenants et les aboutissants pour savoir où on en est aujourd’hui. L’histoire nous démontre que le rôle des pères s’est transformé radicalement au fil des siècles.
Dans l’antiquité
Sous l’Empire Romain, le « pater familias » avait tous les droits sur son enfant. Il pouvait le déshériter, l’obliger à se marier et avait même pouvoir de vie ou de mort sur sa progéniture. En cas de divorces (qui étaient nombreux à cette époque) ou de naissance hors mariage, le père restait responsable de nourrir l’enfant mais gardait aussi tous les droits sur lui.
Au moyen âge
Au 13ème siècle, l’église impose ses principes en termes de mariage et donne une nouvelle image de la famille. A cette époque, l’homme ne peut accéder au titre de père qu’en étant marié devant l’église.
Vers la fin du 14ème siècle, le père, tout en maintenant l’ordre et la morale, devait également servir de guide. En plus de nourrir ses enfants, il doit aussi les éduquer. A cette époque, dans plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et la France, l’image du père s’attendrit.

Au Québec, un virage important s’opère de 1664 à 1866. L’homme ET la femme sont désormais responsables de l’enfant à part égale. Les 2 parents ont une responsabilité partagée sur le plan de l’éducation, des soins et de la garde.
Epoque contemporaine
Entre les deux guerres mondiales, les hommes d’État et les représentants de l’Église insistent sur le fait que le père doit être un bon travaillant et l’épouse une bonne ménagère.
Pendant la deuxième guerre mondiale, les pères apparaissent néanmoins comme absents, silencieux, déchus, voir dominés par leurs femmes et par leurs patrons. Les hommes rigides et distants sont plus souvent au travail qu’à la maison.
Au cours de la révolution tranquille, l’image du père évolue encore. Avec la montée du féminisme, l’autorité paternelle devient autorité parentale. La famille se réorganise, les responsabilités changent, les rôles s’harmonisent et se partagent.
Au 21ème siècle
De nos jours, la famille se conjugue à l’infini : famille nucléaire, famille monoparentale, famille reconstituée, famille en garde partagée, famille homoparentale, etc. Les rôles de chaque parent sont complexes et les liens parents/enfants sont à redéfinir.
Les mères comme les pères doivent travailler fort pour subvenir aux besoins de la famille. Les pères doivent également investir l’idée de partager les tâches ménagères et l’éducation des enfants.
Le père est une mère comme les autres ? ou l’avantage des rôles partagés
Dans les familles modernes, l’idée que l’homme et la femme sont égaux s’est fait une place de choix. Bon nombre de couples s’encouragent dans l’idée de former une équipe. Le partage des tâches se discutent plus librement qu’avant. Ménage, lavage, épicerie, soins aux enfants ne sont plus seulement la panacée de la mère.
« Mon conjoint, c’est mon alter-ego, il a autant d’importance dans la famille que j’en ai. On partage les tâches domestiques pour moitié, on prend nos décisions ensemble. On s’occupe de notre fille ensemble ou à tour de rôle. J’essaie de ne pas en faire plus car je veux lui laisser sa place. Pour moi, c’est important qu’il tisse sa propre relation avec notre fille, sans passer par moi. C’est mon partenaire, mon ami et ensemble on forme la « spéciale Team avec chacun nos forces et nos faiblesses »
Mathéa
Père et mère n’ont pas la même fonction
Lorsque j’observe les parents ou que je lis les post sur les Réseaux Sociaux, je me rends compte à quel point le père et la mère exercent des fonctions différentes auprès de l’enfant.
La mère a avant tout une fonction de protection
Elle forme comme une enveloppe protectrice à l’intérieur de laquelle le jeune enfant se sent en sécurité. L’image qui me vient en tête serait celle du placenta qui se prolonge dans le monde aérien pour continuer à prendre soins de l’enfant. Dans le creux de ses bras, le bébé trouve l’affection, l’amour et la chaleur pour répondre à ses besoins physique et psychologique de base. De la naissance et jusqu’à la petite enfance, la mère et l’enfant forme un duo fusionnel, qui les nourrie l’un comme l’autre.

Le père a une fonction d’ouverture vers le monde
De son côté, le père a pour fonction de détacher progressivement l’enfant de sa mère afin qu’il puisse se créer une identité bien à lui. Souvent, mon conjoint me rappelle qu’en dehors de mon rôle de mère, je reste une femme avec des ambitions professionnelles et des projets personnels ainsi qu’une amoureuse. Le père encourage le détachement au sein de la symbiose Mère/enfant. Cela se fait de manière subtile par des petites phrases, des encouragements.
Mon chum propose souvent de laisser les enfants à la gardienne le temps d’une soirée pour passer du temps à 2. Il se propose parfois de les garder lui-même pour que Mme fasse une soirée de filles ou un massage au SPA. Jusqu’à ce que mes enfants aient 2 ans, je trouvais ça bin difficile de me détacher d’eux et je prenais assez mal ces petites intrusions dans notre bulle. Avec le recul, je vois bien que la bulle avait tout simplement besoin de s’agrandir pour faire une place à papa, aux mamies, aux amis, etc. Le père permet à l’enfant de s’ouvrir aux autres, de découvrir ses limites et d’aller plus loin.
Quand j’ai peur qu’elle tombe, qu’elle se blesse, etc. mon chum me dit toujours laisse la faire. Et il a raison, elle se débrouille toujours. » – Mylène
Le père, ce Super Héros au service du duo mère/enfant
Le père a de toute évidence un rôle protecteur plus large. Déjà à l’époque des hommes des cavernes il défendait sa famille contre les attaques des prédateurs de toutes sortes. On demande aujourd’hui à l’homme moderne de soutenir sa famille en assurant sa sécurité matérielle mais aussi émotive.
Dans les premières semaines de vie de bébé, on attend de lui qu’il soutienne sa conjointe dans les moments difficiles de jour comme de nuit, qu’il l’encourage dans son allaitement, qu’il prenne part aux soins du bébé, qu’il réponde aux critiques subtilement (ou pas) lancées par sa propre mère sur les capacités de sa conjointe … BREF qu’il s’implique dans chaque étape de l’adaptation de sa famille.
De nos jours, le père doit donc pouvoir gagner suffisamment sa vie tout en étant présent auprès des siens. La tâche devient complexe, n’est pas ?
L’enfant a besoin de rePEREs
Je ne sais pas chez vous, mais ici c’est souvent papa qui doit imposer des limites claires aux enfants. Avec maman, on fait la sourde oreille, on s’essaie, on s’astine, on fait les yeux doux … pis si elle ne craque pas alors là c’est au choix pleurs de lamentations ou crise de bacon !! Yeah c’est don bin l’fun faire une crise de bacon dans le magasin pour avoir un suçon !
Avec papa, ça file droit, ça obéit presque du premier coup et quand on s’essaie … bin ça fonctionne pas pantoute !!
Vous l’aurez compris, le père est là pour donner des limites à l’enfant, poser un cadre, apprendre la patience, la politesse et à canaliser les émotions négatives. Pis faut pas se cacher que pour vivre en société on doit en arriver à tout ça.
Le père moderne et la pression sociale
Le père des temps nouveaux, en pleine transformation, a les épaules lourdes. Il traîne derrière lui une éducation où l’absence de son propre père, plus souvent au travail qu’à la maison, a laissé des séquelles. Interrogez vos chums pour savoir quel souvenir il garde de leur enfance !?
De nos jours, on demande au père de faire sa part des taches, de subvenir aux besoins matériels de la famille, de soutenir sa femme pendant la grossesse, d’être présent à l’accouchement, de changer les couches, d’être présent pour s’occuper de l’éducation des enfants, d’être un modèle à suivre alors que lui n’en pas eu, etc.
Bin moi je fais tout ça aussi me direz-vous !? Et vous avez raison, néanmoins avouons que sans lui c’est bin plus rushant !

L’absence du père et ses conséquences
Les familles monoparentales sont nombreuses, néanmoins les pères assument généralement bien leurs responsabilités et continuent de s’occuper de leurs enfants même à temps partagé.
Les nombreux questionnements qui peuvent envahir le père sur son rôle, sa véritable place, la légitimité de ses actes peuvent l’amener à démissionner de sa fonction. Une étude réalisée en 1998, révèle que l’absence d’une figure paternelle au sein de la famille pour des raisons professionnelles ou de couple entraîne des conséquences non négligeables pour l’enfant, notamment des problèmes:
- identitaires : l’enfant pourra présenter un manque de confiance en soi, des difficultés à surmonter les obstacles, des difficultés à prendre sa place, un manque d’initiative et d’autonomie (1) ;
- affectifs : des problèmes psychologiques pourraient survenir avec une faible estime de soi, des symptômes dépressifs et des difficultés à exprimer ses émotions (2) ;
- d’adaptation : l’enfant pourrait se retrouver en échec scolaire, présentait des problèmes relationnels voir même des problèmes de comportement (violence, délinquance, consommation, gestion de la colère) (3).
Voilà qui donne une petite idée du travail qui vous attend Messieurs …
Vous trouvez ça difficile? vous avez de la difficulté à trouver votre place, à trouver du temps pour vous investir davantage auprès de votre famille ou vous êtes tout simplement dépassés par la tâche ?
Renseignez-vous auprès des organismes communautaires de votre région. Plusieurs sites sont une mine de ressources intéressantes pour les pères du Québec : Coopère, Pères-séparés, Etre papa, Regroupement pour la valorisation de la paternité.
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Jocelyne Gaudy, Infirmière et Accompagnante à la naissance
Maman de 2 garçons nés en 2003 et 2011, ma vision de la naissance et de la grossesse a été complètement chamboulée par ma formation d’accompagnante à la naissance et les formations suivies par la suite.
Au quotidien j’occupe le métier d’infirmière, un travail qui me passionne et qui se conjugue très bien avec celui d’accompagnante. J’ai travaillé durant plus de 10 ans avec des bébés prématurés ; un domaine à la fois difficile et plein d’espoir, où la vie est si précieuse qu’on la maintient par des tas de fils!
En tant qu’accompagnante à la naissance, je vous aide à mieux vivre votre grossesse, votre accouchement et l’accueil de votre nouvel enfant. Je vous encourage à prendre soin de lui en vous enseignant l’art du massage pour bébé et du bain relaxant, véritable moment de détente après la naissance ou durant la période des coliques.
Référence :
- (1) Lanoue et Cloutier, 1996, dans Allard, et collab, 2005); Dumont et Paquette, 2008.
- (2) Dulac, 2005; Devault et Gaudet, 2003.
- (3) Dulac, 1992; Dulac, 2005; Devault et Gaudet, 2003; Lelièvre, 1998; Deslauriers, 2002b; Bolté, et collab., 2001.
Les pères dans l’histoire : un rôle en évolution, Thèse en travail social
La réelle fonction des pères, Yvon Dallaire, Psychologue, Québec
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3 réflexions sur « Parentalité – Quelle est la place du père ? »
Pour la réflexion historique toute québécoise sur l’implication des pères en période périnatale, je vous propose la lecture de mon nouveau livre “De la naissance et des pères” (Montréal, Remue-ménage, 2016) qui sera en librairie dès le 8 novembre prochain. Je serai au Salon du livre de Montréal pour des séances de dédicace le samedi 19 novembre entre 17h00 et 18h00 et le dimanche 20 novembre entre 15h00 et 16h00. Je serai contente de discuter à vous toutes et tous!
Merci pour cette belle opportunité, le thème est vaste et enrichissant. J’espère avoir l’occasion de vous rencontrer.
J’aime beaucoup. Je ne suis pas d’accord avec tout, du moins on ne le vit pas comme ça nécessairement chez nous mais j’aime la réflexion que ça suscite. Nous avons eu une longue discussion suite à ma lecture et même fiston de 10 ans y a mis son grain de sel!